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DECLARATION DU FOCODE N°003/2016 DU 29 Février 2016

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«La grâce présidentielle du 23 février 2016 décrétée par Monsieur NKURUNZIZA :

une mesure de distraction dénouée de tout effet quant aux milliers de prisonniers politiques et d’opinion emprisonnés par le régime de Bujumbura ».

Le 23 février 2016, au terme d’une rencontre avec le Secrétaire Général des Nations-Unies Monsieur Ban Ki-moon, le Président Nkurunziza a annoncé des mesures de grâce pour 2000 prisonniers burundais. La mesure a été saluée par Monsieur K-moon qui, semble-t-il, croyait à la libération prochaine de milliers de prisonniers politiques et d’opinion qui croupissent injustement dans les geôles du régime de Bujumbura.

Cette mesure de grâce est une nième épilogue d’une crise majeure dans laquelle le Burundi est plongé depuis le 25 avril 2015, date à laquelle Monsieur Nkurunziza a été désigné pour briguer un troisième mandat illégal en violation de la Constitution et de l’historique Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. L’annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza a été immédiatement suivie d’une contestation pacifique, malheureusement réprimée dans le sang par les forces de sécurité burundaises et la milice Imbonerakure du parti CNDD-FDD au pouvoir. Dix mois après le début de la contestation, on enregistre un millier de citoyens tués, autant de blessés, un nombre important de femmes violées notamment par des policiers, 250.000 réfugiés à l’extérieur du Burundi, des disparitions forcées, et plusieurs milliers de personnes arbitrairement arrêtées et détenues, souvent après avoir été soumises à des tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants.

Publié au terme de la visite de Monsieur Ban Ki-moon et à la veille de celle de la Délégation de Haut Niveau de l’union Africaine, le décret n° 100/41 du 23 février 2016 portant mesures de grâce est un faux signe de bonne volonté du Président Nkurunziza pas vers la résolution de la situation de crise qu’il a créée lui-même.

C’est dans ce sens que le FOCODE tient à exprimer sa déception et sa désapprobation face à une mesure qui relève d’une pure distraction et/ou manipulation de l’opinion tant nationale qu’internationale et déclare ce qui suit :

  1. Le FOCODE constate avec déception que le décret n°100/41 du 23 février 2016 portant mesures de grâce comporte des dispositions qui limitent significativement son effet au risque de le vider de toute sa substance.
  2. Le FOCODE est particulièrement préoccupé par la situation de plusieurs milliers de citoyens arbitrairement arrêtés et détenus dans des prisons (souvent de petits cachots) aussi bien officielles que secrètes, pour la seule raison de s’être opposés au troisième mandat illégal de Monsieur Nkurunziza. Le processus judiciaire est en cours pour certains tandis que d’autres n’ont jamais été présentés devant un juge. Ces prisonniers politiques et d’opinion doivent être relâchés prioritairement et sans conditions.
  3. Le FOCODE regrette que les mesures de grâce énoncées dans ledit décret excluent en son article premier, un bon nombre d’infractions injustement collées à ceux qui s’opposent au troisième mandat illégal de Monsieur Nkurunziza.
  4. Le FOCODE note que la plupart de ces prisonniers politiques et d’opinion ont des dossiers toujours pendants devant les instances judiciaires et de ce fait sont exclus de pouvoir bénéficier d’une grâce présidentielle qui, légalement, ne peut concerner que des dossiers définitivement clôturés.
  5. Le FOCODE rappelle que la justice burundaise et particulièrement le ministère public (le Parquet Général de la République en tête) sont soumis au Président de la République, éprouvent de graves dysfonctionnements et sont devenus des outils de répression au service de la dictature de Bujumbura en violation de l’article 60 de la Constitution burundaise qui érige le pouvoir judiciaire en organe de protection des droits et libertés des individus et des citoyens.
  6. Le FOCODE remarque que ce décret portant grâce présidentielle révèle qu’à partir de sa signature des malades mentaux vont être libérés ! A ce sujet, l’article 25 du code pénal burundais précise clairement que la déficience mentale constitue une cause d’irresponsabilité pénale ; il est donc inconcevable qu’on arrive à maintenir en prison des malades mentaux et ainsi attendre une grâce présidentielle pour leur libération. Ceci rappelle notamment l’arrestation en septembre 2014 de Christian Butoyi, un déficient mental connu comme tel depuis plusieurs années, accusé d’avoir assassiné les trois sœurs catholiques italiennes de la Paroisse Kamenge alors que des pistes intéressantes menaient aux cadres et agents de la police nationale et du service national de renseignements.
  7. Le FOCODE condamne encore une fois les multiples arrestations et emprisonnements dans des lieux privés et/ou publics qui se soldent généralement par des exécutions extrajudiciaires, des tortures graves, des rançons, des viols et autres violations graves des droits humains.
  8. Le FOCODE dénonce enfin l’utilisation malhonnête de la grâce présidentielle comme un effet d’annonce et un outil de distraction de l’opinion publique sur les trois enjeux majeurs du moment : la protection de la population, l’engagement d’un dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes à la crise burundaise et une enquête internationale sur les violations graves de droits de l’homme en cours au Burundi.

Recommandations :

Face à ce qui précède, le FOCODE recommande :

  1. Aux autorités burundaises de:
  • Libérer sans délais et sans conditions tous les prisonniers politiques et d’opinion détenus officiellement ou secrètement ;
  • Mettre un terme le plus rapidement possible à toutes les arrestations arbitraires et à toutes les violations des droits humains qui en sont corollaires ;
  • De considérer les précédentes recommandations du FOCODE sur les disparitions forcées, le viol des femmes dans les prisons ainsi que le rançonnage systématique des détenus soupçonnés de s’opposer au troisième mandat de Monsieur Nkurunziza ;
  • Cesser de jouer au malin par des mesures sans portée, mais de s’engager dans la résolution de la crise actuelle par l’acceptation d’un dialogue inclusif de toutes les parties prenantes.
  1. A la communauté internationale (particulièrement ONU, UA et EAC) :
  • D’exiger de Bujumbura la libération sans conditions des milliers de prisonniers politiques et d’opinion ;
  • D’éviter de tomber dans les manipulations de Bujumbura mais de garder un message ferme et cohérent sur la protection des citoyens burundais, le respect des libertés publiques et de mettre en place une commission d’enquête internationale sur les différentes violations des droits humains au Burundi ;
  • D’amener le régime de NKURUNZIZA autour d’une table des négociations pour un dialogue inclusif, sincère et le plus immédiat possible afin de trouver une solution politique durable à la crise.

Fait à Bujumbura le 29 février 2016

 Pour le FOCODE,

Sé Pacifique NININAHAZWE

Président. 

Lien vers le décret du 23 février 2016 :le décret du 23 février 2016


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