Mega Menu

BURUNDI – TRAFIC HUMAIN – DECLARATION DU FOCODE n°012/2016 DU 1er Juillet 2016

·

·

BURUNDI – TRAFIC HUMAIN

« Les autorités burundaises doivent mettre fin au trafic des filles et des femmes burundaises, rapatrier et assister les victimes, et sanctionner les auteurs de ce crime contre l’humanité »

Alerté le 30 mai 2016 par des familles de Cankuzo dont les filles étaient menacées par l’autorité provinciale du CNDD-FDD, le FOCODE vient de boucler un mois d’enquête sur des informations faisant état d’un trafic de filles et de femmes burundaises vers le Sultanat d’Oman et le Royaume d’Arabie Saoudite. Le FOCODE a pu entrer en contact avec une soixantaine de personnes dont plusieurs filles victimes du trafic à Oman, des familles des victimes dans plusieurs provinces du pays, des trafiquants, des agents de l’aéroport de Bujumbura, des employés de différentes structures de l’Etat, des burundais installés à Oman, Dubaï et en Arabie Saoudite.

Les informations recueillies témoignent d’une ampleur très préoccupante de ce trafic et de l’existence de plusieurs réseaux de trafiquants. Bien pire, plusieurs sources confirment une forte implication des structures du parti au pouvoir CNDD-FDD aussi bien dans le recrutement des filles que dans la profération des menaces à celles qui refusent de partir après le ciblage. Le FOCODE a également reçu des informations inquiétantes sur la complicité et un soutien  des organes de l’Etat à ce trafic, en l’occurrence des services de la présidence de la république, certains ministères, la PAFE (police de l’air, des frontières et des Etrangers), le SNR (service national de renseignement) ainsi que les services de sécurité de l’aéroport international de Bujumbura. Les informations reçues décrivent enfin le calvaire que vit la majorité des filles (et des femmes) victimes de ce trafic à Oman ainsi que ses conséquences dramatiques sur les familles Burundaises.

Le 07 juin 2016, le FOCODE a lancé une alerte via des réseaux sociaux sur des mouvements suspects de filles qui se rendent en masse à Oman et en Arabie Saoudite à partir de l’aéroport de Bujumbura. Même si les autorités burundaises n’ont pas considéré cette alerte, celle-ci a entrainé une mobilisation de la presse nationale et internationale ainsi que des leaders d’opinions. Le 19 juin 2016, la police burundaise a fait un revirement spectaculaire en reconnaissant l’existence du trafic et en arrêtant un certain nombre de trafiquants. Le 23 juin 2016, un magistrat instructeur a écrit aux responsables des sociétés de trafiquants pour leur demander de « bien vouloir » suspendre leurs activités. Des actes, quoique louables, qui sont loin d’être satisfaisants pour juguler le phénomène.

Le FOCODE sort la présente déclaration pour affirmer sa position sur le phénomène, présenter brièvement les résultats de son enquête et attirer l’attention de tous les acteurs nationaux et internationaux sur ce trafic odieux. Le rapport détaillé de l’enquête sera publié sous-peu sur le site web du FOCODE www.focode.org

A. Prise de position du FOCODE

  1. Le FOCODE condamne avec toute son énergie le trafic en cours des enfants, des jeunes filles et des femmes burundaises vers des pays du golf arabe, en l’occurrence le Sultanat d’Oman et le Royaume d’Arabie Saoudite, avec une implication flagrante du parti CNDD-FDD et la complicité des organes de l’Etat, en violation de la Constitution de la République du Burundi et de la Loi n° 1/28 du 29 octobre 2014 portant prévention et répression de la traite des personnes et protection des victimes de la traite[1].
  1. Le FOCODE demande aux autorités burundaises de stopper immédiatement ce trafic odieux et de lancer rapidement une campagne d’information et de sensibilisation de la population sur les méfaits de ce trafic.
  1. Le FOCODE s’étonne de la tendance de la police burundaise à minimiser l’ampleur du trafic et demande aux autorités burundaises de lancer rapidement une enquête sur le nombre des victimes du trafic en interrogeant les sociétés des trafiquants, les autorités de la PAFE, les compagnies aériennes (spécialement Ethiopian Airlines et Kenya Airways), les ambassades ayant délivré les visas et les localités les plus visées.
  1. Le FOCODE demande au ministre des Affaires Etrangères d’honorer son engagement publié le 16 avril 2016 via son compte Twitter : « Une action sera engagée dès la semaine prochaine pour s’assurer que les #Burundi-aises concernées sont bien traitées»[2] , et surtout d’envisager rapidement une opération de rapatriement des filles et femmes burundaises en détresse à Oman et en Arabie Saoudite.
  1. Le FOCODE salue le travail mené par les media burundais (particulièrement la radio RPA dans son programme HUMURA, la radio en ligne Inzamba, la radio Isanganiro pour ses éditions du 09 juin 2016 et le journal Iwacu) qui aura permis de mobiliser l’opinion nationale sur le fléau du trafic humain au Burundi.
  1. Le FOCODE recommande:
  • Aux autorités burundaises de mettre en place la « Commission de Concertation et de Suivi sur la Prévention et la Répression de la Traite des Personnes » prévue à l’article 7 de la loi du 29 octobre 2014 sur la traite des personnes ; et de prendre rapidement des mesures de protection, d’assistance et de réparation au profit des victimes et des témoins telles que envisagées au Chapitre V de la même loi.
  • A l’ONU et à l’Etat du Burundi, la mise en place d’une commission indépendante d’enquête sur la traite des personnes en cours au Burundi et qui rassemblerait équitablement 2 personnalités de l’Etat, 2 experts de l’ONU et 2 membres des organisations de la société civile engagées dans la lutte contre le trafic humain.
  • Au Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme d’initier une enquête sur la traite des personnes au Burundi ; aux différentes agences des Nations-Unies et autres organismes internationaux de renforcer et d’appuyer les organisations burundaises dans les opérations de sauvetage des burundaises en détresse à Oman et en Arabie Saoudite.
  • Aux partenaires du Burundi, la mise en place d’un fonds de soutien à la presse et à la société civile engagées dans la lutte contre le trafic humain au Burundi ; et l’assistance aux victimes de la traite (assistance médicale, psychologique et financière ; protection physique dans certains cas).
  • A la communauté est-africaine d’envisager des mesures de lutte contre le trafic humain sur son espace ainsi que des actions coordonnées de protection et de rapatriement de victimes.
  • Aux autorités burundaises d’installer une représentation diplomatique à Mascate dans le Sultanat d’Oman qui suivrait de près la situation des burundais dans ce pays.
  1. Le FOCODE déclare sa disponibilité à coopérer avec tout organe indépendant qui se chargera d’enquêter sur le trafic des filles au Burundi ou s’engagera à sauver et à assister les victimes du trafic. Le FOCODE partagera toutes les preuves à sa disposition tant que cela ne mettra pas en danger la vie de ceux qui ont témoigné.

Fait à Bujumbura, le 1er juillet 2016

Pour le FOCODE ;

Sé Pacifique NININAHAZWE

Président

B. Ampleur préoccupante du trafic de filles au Burundi

  1. Jusqu’au 18 juin 2016, la police nationale du Burundi ne reconnaissait que deux cas de victimes du trafic humain déjà parties dans les pays arabes. Le 19 juin 2016, la police a fait un revirement inattendu : en moins de 24 heures, elle a passé de 2 cas à 267 victimes depuis le 19 avril 2016. La police n’a pas expliqué comment elle était tombée sur ce chiffre en moins de 24 heures ni pourquoi elle commençait son calcul à la date du 19 avril 2016 alors que le trafic a pris de l’ampleur depuis au moins une année.
  1. Les chiffres de la police sont trop en-deçà de ceux avancés par d’autres acteurs.
  • Le 10 juin 2016, la Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi FENADEB a sorti un communiqué dans lequel elle déclare 423 victimes parties de l’aéroport international de Bujumbura du 10 avril au 09 juin 2016.
  • Le 12 juin 2016, dans une correspondance adressée au Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme en date du 12 juin 2016, le Mouvement Citoyen pour l’Avenir du Burundi MCA avance le chiffre de 2500 victimes depuis 2015.
  • Du 03 au 17 juin 2016, le FOCODE a organisé un suivi des vols de la journée à partir de l’aéroport de Bujumbura et a compté 225 départs de filles (et femmes) vers l’Arabie Saoudite et Oman. En l’espace de deux semaines seulement.

15 filles sont parties sur le vol KQ448 du 03 juin 2016 (Oman)

40 filles sont parties sur le vol ET806 du 05 juin 2016 (Arabie Saoudite)

20 filles sont parties sur le vol KQ448 du 07 juin 2016 (Oman)

18 filles sont parties sur le vol ET806 du 07 juin 2016 (Oman)

12 filles sont parties sur le vol KQ448 du 08 juin 2016 (Oman)

9 filles sont parties sur le vol ET 806 du 08 juin 2016 (Arabie Saoudite)

40 filles sont parties sur le vol ET806 du 09 juin 2016 (Arabie Saoudite)

31 filles sont parties sur le vol ET806 du 10 juin 2016 (Oman)

0 filles sont parties sur les vols ET806 et KQ448 du 11 et 12 juin 2016

8 filles sont parties sur le vol KQ448 du 13 juin 2016 (Oman)

10 filles sont parties sur le vol KQ448 du 14 juin 2016 (Oman)

2 filles sont parties sur le vol KQ448 du 15 juin 2016 (Oman)

  1. Ces chiffres contredisent du coup ceux de la police. Si en deux semaines seulement, on peut compter 225 filles qui ont la grande probabilité d’avoir été des victimes du trafic dont question ici, il est impossible de croire qu’en deux mois ce trafic n’a touché que 267 filles avancées par le porte-parole de la police ! Pour arriver aux chiffres plus sérieux, une enquête crédible s’impose dans les entreprises des trafiquants, au sein de la PAFE, auprès des deux principales compagnies aériennes Kenya Airways et Ethiopian Airlines et dans les ambassades qui ont délivré les visas.

C. 1000 Euros (500 Rials Omanais) : le gain des trafiquants sur chaque fille livrée.

  1. Au cours de l’enquête, le FOCODE a découvert que ce qui est présenté comme une opportunité d’emploi pour les jeunes filles burundaises est un véritable commerce de personnes qui débouche sur un autre esclavage du 21ème siècle. Des trafiquants (sociétés ou individus) d’Oman et d’Arabie Saoudite se mettent en réseau avec des trafiquants au Burundi (individus ou sociétés) pour recevoir des commandes de femmes de ménages, pour leur recrutement et l’organisation du transport du Burundi au pays du client. La fille recrutée envoie préalablement sa photo pour l’appréciation du client, passe plusieurs examens médicaux et voyage sur les frais du client. Arrivée à destination, la fille perd sa liberté de circulation, devient la propriété du client qui en use comme il l’entend pendant au moins deux ans et, comme toute autre sorte de marchandises, se fait parfois vendre plusieurs fois selon la satisfaction des clients. Une jeune fille burundaise a confié au FOCODE qu’elle avait déjà été vendue quatre fois en moins d’une année.
  2. Comme dans toutes les ventes, la fille livrée au client a un coût. Des trafiquants ont confié au FOCODE que le prix net de la fille livrée à Oman est de 500 rials omanais (soit 1000 euros ; environs 2,5 millions de francs burundais) et le prix brut d’une fille livrée en Arabie Saoudite varie entre 2000 et 3000 dollars américains.
  3. Comme dans toute opération de vente, le client a besoin de s’assurer de la qualité de la marchandise. Des examens médicaux sont exigés par les deux pays et sont effectués dans plusieurs établissements sanitaires du Burundi dont Kira Hospital, BUMEREC, Polyclinique Centrale de Bujumbura et dans certains hôpitaux publics des provinces. Toutefois, l’Arabie Saoudite accrédite elle-même les établissements dont elle reconnait les examens. Après Kira Hospital, elle a accrédité la clinique BACTLAB dont le patron est un kényan d’origine somalienne Ali Osman Hussein.
  4. Au cours de son enquête, le FOCODE a découvert plusieurs réseaux de trafiquants de filles qui sont en train d’opérer au Burundi. L’enquête a révélé trois principales catégories de réseaux de trafiquants :
  • Des individus isolés qui sont en contact avec des personnes installées à Oman ou en Arabie Saoudite ou bien connectés aux agences omanaises ou saoudiennes de recrutement des femmes de ménages. Ces individus (hommes et femmes confondus) sont plus actifs dans les milieux musulmans en Mairie de Bujumbura, à Rumonge, Gitega, Ngozi, Kayanza, Cibitoke et Muyinga. Leur mode opératoire est plus discret et plus difficile à combattre : ils sont nombreux et n’envoie pas des filles en masse comme les sociétés. Ils ont acheté des soutiens solides dans la police, à la PAFE et au SNR.
  • Plusieurs réseaux kenyans (sociétés ou individus) qui ont décidé de se rabattre sur le Burundi après l’interdiction du trafic de filles en Ethiopie, au Kenya et en Ouganda. De manière très discrète, ils contactent des associations, des sociétés ou des individus qui ont un accès facile à des filles/femmes chercheuses d’emploi. Certains passent par l’Ambassade du Burundi à Nairobi avant de venir opérer au pays. Il y en a qui sont parvenus à se faire enregistrer comme sociétés, d’autres continuent à opérer en toute clandestinité.
  • Des sociétés de recrutement étroitement liées au parti CNDD-FDD, légalement enregistrées à l’agence pour la promotion des investissements API, avec des bureaux bien connus et dont le travail est à la fois semi public et semi secret. Deux sociétés rentrent particulièrement dans cette catégorie: Salah AlderFeeri Burundi et Royal Services qui sont en réalité une seule et même société, avec les mêmes actionnaires et le même objet social.
  • 8. Contrairement à l’opinion répandue par les autorités burundaises, les sociétés de trafiquants ont été régulièrement enregistrées par l’API[3], elles ont payé à l’OBR[4] les frais d’enregistrement au livre de commerce (soit 40.000 BIF). A titre illustratif, le FOCODE a reçu des informations sur l’enregistrement de cinq sociétés :
  • 08 octobre 2015: création de la société Salah AlderFeeri Burundi dont les actionnaires sont Muhamed Nzisabira et Ali Niyonkuru, avec comme objet social : les services de recrutement de main d’œuvre.
  • 07 mars 2016 : création de la société Royal Services dont les actionnaires sont Muhamed Nzisabira et Ali Niyonkuru, avec comme objet social : les services de recrutement de main d’œuvre.
  • 04 mai 2016 : création de la société International Recruiting Company dont les actionnaires sont Muhamed Nzisabira et Ali Niyonkuru, avec comme objet social : les services de recrutement de main d’œuvre. Ainsi on note l’existence bizarre de trois sociétés de mêmes actionnaires avec un même objet social.
  • 23 mai 2016 : création de la société Burundi Recruiting Agency (BRA en sigle) dont les actionnaires sont Ali Osman Hussein, Hachaichi Karim, Reda Ali et Mohamed Eissa. Le patron de cette société est en même temps responsable de la clinique BACTLAB accréditée par l’Ambassade d’Arabie Saoudite pour les examens médicaux. Quoique récente, cette société dispose d’un réseau de femmes chargées du recrutement de filles dans les centres urbains et dans les quartiers nord de la ville de Bujumbura.
  • 31 mai 2016: création de la société Azar East Africa Services dont les actionnaires sont deux Kenyans Mbugua Nicolas Wainaina et Daniel Muraya Njoroge, avec comme objet social : formation professionnelle et stage. Selon les informations parvenues au FOCODE, la société a déjà envoyé des filles burundaises en Arabie Saoudite et compte revenir recruter d’autres filles très prochainement.

Le FOCODE a été informé que beaucoup d’autres sociétés de même type ont été enregistrées à l’API depuis le mois de mai 2016, mais qu’il n’était pas facile de les retrouver puisqu’elles sont classées dans un dossier fourre-tout de sociétés qui s’occupent de services divers. Il est recommandé à tous ceux qui enquêteront de focaliser leur attention à ce fichier.

D. Implication du parti CNDD-FDD dans le trafic

9. Le FOCODE a reçu des témoignages provenant de plusieurs provinces du Burundi qui corroborent l’implication des structures du parti au pouvoir CNDD-FDD dans les recrutements des filles (et des femmes) pour des emplois à Oman et en Arabie Saoudite. Les inscriptions, les départs pour des examens médicaux, les formations ou parfois les examens médicaux se sont déroulés dans les permanences provinciales du parti. Certaines personnes ont dû faire des réclamations jusqu’à la permanence nationale du parti pour empêcher le départ de leurs fiancées[5] tandis que d’autres ont été menacées pour avoir refusé de se faire inscrire ou pour s’être désistées après inscription. A Cankuzo notamment, des filles ont fui le Burundi ou ont improvisé un mariage pour échapper au recrutement. Des cas de menaces et d’exil de filles ont été signalés également à Gitega et Bujumbura Rural. Les informations recueillies par le FOCODE proviennent des provinces de Bubanza, Bujumbura-Mairie, Bujumbura Rural, Cankuzo, Cibitoke, Gitega, Karuzi, Kayanza, Muramvya, Muyinga, Ngozi, Rumonge et Rutana.

10. Certains présidents provinciaux du parti CNDD-FDD ont été nommément cités comme ayant coordonné les recrutements des filles dans leurs provinces: le député Anglebert Ngendabanka à Cankuzo, le député Domitien Bavakure à Karusi, le député Juvénal Havyarimana à Bubanza et Monsieur Ildéphonse Turinumugabo à Muyinga. Le député Victor Burikukiye, premier vice-président du parti au niveau national, a été cité comme coordinateur national de ces recrutements au niveau du CNDD-FDD.

11. Selon les informations recueillies par le FOCODE, le profil recherché dans le parti était : des jeunes filles chômeurs âgées de 23 ans à 35 ans, de niveau d’études situé entre la fin du premier et du dernier cycle des humanités, qui ne sont pas enceintes et ne souffrent pas de certaines maladies, de préférence provenant des familles les plus pauvres. Dans la plupart des cas, ce sont des filles (et femmes) membres du parti qui ont été recrutées. Mais ces critères n’ont pas toujours été respectés quant à l’âge, au niveau d’études, à la situation conjugale et au critère de pauvreté. En raison de promesses de salaires alléchants (entre 300 et 500 dollars par mois) et de meilleures conditions de travail, certains cadres du parti et des responsables administratifs de la plaine de l’Imbo ont recruté leurs propres enfants ou leurs épouses. Le cas le plus emblématique reste le recrutement d’une élue de Rugazi, membre du Conseil Communal, de même que celui de l’épouse de l’inspecteur communal de l’enseignement dans la même commune (le mari avait été très actif dans le recrutement selon les informations reçues).

E. Soutien et complicité des organes de l’Etat au trafic humain

12. Les informations recueillies par le FOCODE montrent que des organes de l’Etat ont prêté main forte aux trafiquants des filles. Des trafiquants ont témoigné qu’ils avaient payé de sommes importantes au service national de renseignement (SNR) et à la PAFE pour travailler en toute tranquillité. Un trafiquant a révélé qu’il avait payé 6 millions de francs burundais au SNR pour débuter le trafic et qu’il continuait à payer à un cadre du SNR 400 dollars pour chaque fille livrée à Oman et 20 à 30 milles francs burundais pour chaque passeport sorti par la PAFE. Les trafiquants non soutenus par le SNR paieraient également 20 à 30 milles francs burundais aux autorités de sécurité de l’aéroport de Bujumbura pour chaque fille qui passe par cet aéroport. Ainsi la PAFE et l’aéroport ont accordé des facilités aux trafiquants : les passeports des filles ont été accordés de manière groupée en un temps record ; de même certains trafiquants accompagnaient « leurs filles » à l’aéroport de Bujumbura parfois jusqu’au tarmac.

13. Jusqu’au soir du 18 juin 2016, la police nationale a nié le caractère alarmant du trafic et ne reconnaissait que deux cas ; le 19 juin elle a fait un revirement spectaculaire en annonçant 267 cas et l’arrestation de sept trafiquants.

Le nouveau commissaire municipal de la police à Bujumbura, OPP1 Bonfort Ndoreraho, a été cité dans les recrutements de filles à Musigati, à Mitagataka et à Buvyuko en province de Bubanza. Un bus (Hiace) de transport en commun conduit par un certain Saidi, aurait été loué à plusieurs reprises par cet officier de police pour le déplacement des filles recrutées et aurait transporté de janvier à mars 2016 autour de 200 filles déjà livrées aux deux pays arabes.

14. Au niveau du gouvernement, le ministre des Affaires Etrangères, Alain Aimé Nyamitwe est resté silencieux alors qu’il était parfaitement au courant du calvaire que vivaient les filles burundaises vendues dans les pays arabes. En effet, au début de l’année 2016, le Consulat Général du Burundi à Dubaï et le SHURA (Conseil) des musulmans du Burundi à Dubaï ont acheté des billets d’avion pour 14 filles burundaises qui s’étaient réfugiées au Consulat Général, fuyant l’esclavage dans les familles où elles travaillaient. Le Consulat Général est intervenu pour libérer leurs passeports. Bien plus, le 13 avril 2016, une jeune fille originaire du quartier Buyenzi en Mairie de Bujumbura est décédée à Mascate dans le Sultanat d’Oman à la suite de maltraitances lui infligées par son patron et au refus de la faire soigner. Trois jours plus tard, le ministre Nyamitwe a réagi aux interrogations de citoyens burundais sur twitter en ces termes : « Une action sera engagée dès la semaine prochaine pour s’assurer que les #Burundi-aises concernées sont bien traitées.»[6]En dépit de la gravité de cette information et de la promesse ferme du ministre, le gouvernement a continué à fermer les yeux sur le trafic. Au moment où le Kenya et l’Ouganda ont interdit ce trafic tandis que la Tanzanie[7] organise des opérations de rapatriement de ses filles ainsi vendues, le Burundi devrait normalement se joindre aux efforts de ses voisins.

15. La ministre de la Santé Publique Dr Josiane Nijimbere a prêté main forte à la société Salah AlderFeeri Burundi (prédécesseur de Royal Services) en autorisant le 22 décembre 2015 Kira Hospital à passer des examens médicaux pour le compte de la société.

LetreMin16. Le ministère de l’Intérieur Pascal Barandagiye est cité par des trafiquants comme ayant autorisé leurs activités de manière verbale, via des intermédiaires officieux. Son porte-parole a mis des jours avant de trouver une réponse à donner aux journalistes de la radio Isanganiro qui le pressaient sur la légalité de la société Royal Services. De toutes les façons, il est impensable qu’un tel trafic se pratique sur tout le territoire national et que le ministre de l’intérieur n’en soit pas au courant. Par ailleurs, selon des informations recueillies par le FOCODE, des administratifs à la base ont participé au trafic en recrutant des filles (et des femmes) pour le compte des sociétés de trafiquants ou pour le compte du parti CNDD-FDD.

17. Le cabinet du président Nkurunziza a rassuré des trafiquants sur la légalité de leurs activités. Certains trafiquants ont informé le FOCODE qu’ils s’étaient d’abord assuré de l’aval de la présidence de la république avant de débuter le trafic. Un conseiller au cabinet de Pierre Nkurunziza, R.S. est cité comme ayant servi d’intermédiaire entre le cabinet et les trafiquants. Il aurait même averti certains d’entre eux que le trafic était sur le point d’être suspendu à cause d’une note négative du Conseiller Principal chargé de questions sociales et culturelles sur les plaintes des familles des membres du CNDD-FDD qui demandaient le rapatriement des leurs. Il y a enfin lieu de s’interroger sur la déclaration de Pierre Nkurunziza le 30 décembre 2015 encourageant les jeunes à partir pour des emplois à l’extérieur (y compris à Dubaï) et annonçant qu’ « un pays lui a demandé 120.000 travailleurs ». Le président n’a pas précisé de quel pays ni de quels emplois il s’agissait mais d’aucuns ont compris que c’était sa manière de soutenir indirectement les recrutements de travailleurs domestiques à destination des pays arabes. En dépit de toutes les critiques, Pierre Nkurunziza reste muet sur le trafic des filles en cours, attitude qui contraste avec sa mobilisation de 2013 après les révélations de la Fondation canadienne Justice et Equité sur le trafic des enfants et des jeunes filles.

F. Conséquences dramatiques du trafic sur les familles et calvaire des filles victimes du trafic

18. Le trafic des filles (et des femmes) burundaises vers des pays arabes a entrainé de graves tensions dans les familles affectées. Fatiguées de longues années de chômage et attirées par les promesses de salaires alléchants, certaines femmes ont décidé de tenter l’aventure de cet eldorado asiatique, parfois sans le consentement de leurs maris. Dans certaines situations extrêmes, des maris ont appris le départ de leurs femmes peu avant le décollage ou des heures après le décollage des avions qui les transportaient. Le FOCODE a reçu des témoignages de maris qui vivent un chagrin insupportable et qui s’interrogent sur le sort de leurs femmes après des mois sans communication. D’autres familles ont été secouées de tensions entre des filles qui voulaient partir sans le consentement des parents ou, pire, des parents qui avaient accepté l’argent de trafiquants et voulaient obliger leurs filles à partir.

19. Le FOCODE a en outre reçu beaucoup d’informations sur des cas de petits enfants abandonnés à de grands parents ou à leurs voisins parce que leurs mamans (en l’absence du père) étaient parties travailler en Arabie Saoudite ou à Oman. Les mamans espéraient ainsi pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants à partir de salaires alléchants qu’on leur avait promis. Parmi les plus grandes souffrances entendues dans les témoignages des femmes ou des filles-mères vendues à Oman, il y a en premier lieu les regrets et la nostalgie pour les enfants abandonnés alors que les salaires ne permettaient même pas d’aider les familles délaissées. « Aidez-moi à quitter vite cet enfer omanais, mes enfants n’ont plus d’avenir en mon absence » a déclaré au FOCODE une mère en sanglots.

20. Le FOCODE a reçu des informations sur de nombreux cas d’abandons scolaires par des jeunes filles attirées par des promesses mensongères de bons salaires et d’une vie meilleure à Oman et en Arabie Saoudite. Des cas d’abandons ont été signalés, à titre illustratif, à l’ECOFO Muyinga III, au Lycée Communal Renga en commune Kiganda, au Lycée Communal Mutimbuzi et à l’ECOFO Maramvya II. Certaines filles mineures ont dû falsifier leur âge pour être facilement éligibles aux recrutements. Si cette situation était appelée à perdurer, elle porterait un coup fatal aux avancées en matière de scolarisation de la fille au Burundi.

G. Calvaire des filles et femmes burundaises vendues à Oman : « j’ai besoin de 400 dollars pour recouvrer ma liberté».

21. Le FOCODE a pu recueillir une trentaine de témoignages audio de filles (et de femmes) burundaises envoyées à Oman comme femmes de ménages. Elles ont assuré que très peu d’entre elles travaillaient dans de bonnes conditions et que la majorité était dans un quasi-esclavage et vivaient une exploitation de plusieurs formes. Dès leur arrivée à l’aéroport de Mascate à Oman, les filles (et femmes) burundaises perdent leurs pièces d’identité : le passeport leur est immédiatement retiré et reste conservé par leur employeur ou l’agence de recrutement pendant deux ans ou du moins jusqu’au jour du retour au Burundi. Elles vivent une sorte d’isolement : en plus des difficultés de langue (elles ne parlent pas arabe), elles n’ont pas le droit de sortir des enceintes de la résidence du patron et n’ont, pour la plupart, aucune idée de l’adresse de l’endroit où elles se trouvent. Celles qui ont parlé au FOCODE avaient des téléphones avec une application WhatsApp qu’elles utilisaient généralement de manière clandestine. Certaines d’entre elles ont été obligées d’abandonner leurs noms chrétiens avant de quitter le Burundi et la majorité a été convertie de force à l’Islam.

22. Toutes les filles (et femmes) contactées se plaignent d’une extrême fatigue à cause d’une charge de travail excessive : la majorité affirme travailler entre 18 et 22 heures par jour pour un salaire modique variant généralement entre 40 et 60 rials omanais par mois (soit 80 à 120 euros). Elles se plaignent d’une injustice envers les africains puisque leurs collègues asiatiques touchent plus de 100 Rials (plus de 200 euros). Elles ont confié que certains patrons pouvaient refuser de payer certains mois prestés et que d’autres filles avaient été dépouillées de leur argent juste avant le départ vers le Burundi. Elles affirment qu’elles sont rarement soignées quand elles tombent malades. « Dès la première semaine, j’ai commencé à cracher du sang et tout le premier mois j’ai souffert d’une grave infection urinaire, mais je n’ai jamais été soignée. Je suis au troisième mois et je sens une douleur atroce dans ma poitrine… S’il nous arrive d’avoir une chance de rentrer, ce ne sera pas pour vivre longtemps, nous sommes déjà des carcasses » a confié une jeune femme dans son témoignage.

23. Certaines filles (et femmes) ont fait part des violences dont elles sont victimes. Elles affirment être constamment insultées et frappées en cas de désaccord ou en guise de correction par leurs employeurs. Au moins trois filles ont confié qu’elles étaient victimes de harcèlements sexuels et de tentatives de viols par leurs patrons ou les fils de leurs patrons. Une jeune femme souligné qu’elle avait déjà échappé à quatre tentatives de viol, qu’elle profitait du répit pendant le mois de ramadhan, mais qu’elle avait peur qu’elle ne parviendra pas à échapper après le ramadhan : « je suis sûr, il finira par me violer. Si je le dénonce, je risque d’être brûlée vive. Je suis tellement malheureuse! » Dans la plupart des cas, les filles ne veulent pas parler de sévices sexuelles dont elles ont-elles-mêmes été victimes, une attitude par ailleurs très répandue chez les burundaises. Un cas de viol d’une burundaise par un visiteur de son employeur a été signalé le 27 juin 2016 au FOCODE. Toute la famille de l’employeur est restée solidaire de leur visiteur et le seul remède proposé à la victime est de la vendre dans une autre famille alors qu’elle criait et réclamait de rentrer au Burundi.

24. Le FOCODE a reçu beaucoup de témoignages audio de filles (et femmes) en sanglots, ce qui traduit probablement un traumatisme psychologique important. Un sentiment d’impuissance et de désespoir émanent généralement des propos reçus. Les témoignages reviennent souvent sur des cas de troubles mentaux et insistent sur le cas d’une fille burundaise originaire de Buyenzi décédée le 13 avril 2016 par manque de soins. Le FOCODE est en possession d’une courte vidéo montrant la fille déambulant toute nue dans une rue de Mascate peu de jours avant sa mort. « La fille était atteinte d’un trouble mental mais ses patrons ont pensé que c’était une feinte pour pouvoir rentrer au Burundi» ont confié les filles contactées. Dans le même ordre d’idées, un agent de l’aéroport de Bujumbura a témoigné qu’il avait déjà remarqué « trois filles mentalement déficientes » au retour d’Oman ou d’Arabie Saoudite.

25. Le FOCODE a reçu aussi des informations préoccupantes sur un nombre important de filles burundaises qui seraient en prison à Oman sur base de dénonciations calomnieuses de leurs patronnes, juste pour avoir exprimé la volonté de rentrer au Burundi ou après avoir été violées par leurs patrons. Certaines auraient même eu des enfants en prison. Le cas le plus récent est celui d’Ines Nahimana, 24 ans, emprisonnée le 28 juin 2016 après avoir subi une longue séance de bastonnade après avoir exprimé sa volonté de rentrer au Burundi. Elle n’a pas d’avocat et ne comprend pas l’arabe dans laquelle elle est accusée. Ses patrons lui ont signifié qu’elle ne pourra pas rentrer tant qu’elle n’aura pas remboursé 400 dollars de son billet. Beaucoup de filles ont confié au FOCODE qu’il fallait leur trouver 400 dollars pour que les patrons les laissent partir.

26. Le FOCODE a enfin reçu des informations sur des cas de disparitions de filles burundaises à Oman. Une fille du nom d’Aline Nishimwe est devenue introuvable depuis la fin de mars 2016. Elle avait quitté le Burundi le 22 septembre 2015 par le vol ET 806 Ethiopian Airlines. Après son installation, elle avait régulièrement communiqué avec sa famille au Burundi jusqu’en mars 2016. Mais depuis le mois d’avril, la communication est coupée avec les siens, elle ne se connecte plus sur son Whatsapp et son téléphone reste éteint, son patron Juma Obaid Al Rushid (+968 991 88031) et ceux qui l’ont recrutée ne donnent aucune information sur sa localisation actuelle. Le FOCODE a reçu des informations sur deux autres cas presque similaires. Un trafiquant a expliqué au FOCODE qu’il advenait que des patrons vendent leurs employées à des réseaux de prostitution et que des filles victimes de ces situations disparaissaient purement et simplement. Le FOCODE n’a aucune indication que les trois burundaises se retrouvent dans ce cas de figure.

27. En conclusion de ce point, le FOCODE a découvert trois catégories de filles (et femmes) burundaises à Oman :

  • Une infime minorité de filles qui estime qu’elle est tombée sur de bons employeurs et s’estime heureuse : elles comptent terminer leurs contrats de deux ans et rentrer tranquillement au Burundi,
  • Une proportion importante de femmes malheureuses et désespérées mais qui estiment qu’elles ne peuvent pas rentrer bredouilles à cause de la situation d’extrême pauvreté de leurs foyers,
  • Une majorité de filles complètement désespérées qui appelle au secours et qui sauterait sur n’importe quelle opportunité pour rentrer au Burundi.

Toutes les filles (et femmes) contactées insistent et s’accordent sur la nécessité d’installer une ambassade burundaise à Mascate qui contribuerait à la protection des burundais à Oman.

H. Tentative de libération d’une fille burundaise à Oman

28. En date du 22 juin 2016, le FOCODE a reçu un appel de détresse de A.N, une burundaise originaire du quartier Nyakabiga (à Bujumbura) arrivée à Mascate en février 2016. Longtemps malade et aux bouts de ses forces, elle a inventé ce soir-là une histoire de décès de sa mère et de son enfant pour pouvoir décrocher l’autorisation de rentrer au Burundi. En guise de réponse, elle a été horriblement battue, puis renvoyée et récupérée par son manager[8] Au lieu de la faire rentrer au Burundi, Khadidja a décidé de la vendre à une autre famille. Désespérée, A.N a fait appel au FOCODE qui a tenté de la sauver en informant un bureau anti-trafic humain d’un des gouvernements européens qui, à son tour, a contacté une organisation internationale luttant contre le trafic humain. Le lendemain, Khadidja a découvert le plan mis en place pour sauver A.N et lui a retiré son téléphone. Heureusement, A.N avait eu l’intelligence de partager les coordonnées de son manager au FOCODE. Par le biais de ce numéro,  le FOCODE a mis Khadidja en garde sur tout ce qui arrivera à A.N. Heureusement, ces messages ont travaillé la conscience de Khadidja qui a finalement décidé de libérer la jeune burundaise. Au moment où sort cette déclaration A.N est chez elle à Bujumbura. Pendant cette expérience, la plus grosse question est restée celle de la localisation d’A.N.

I. Situation des filles et femmes burundaises vendues en Arabie Saoudite

29. Si la situation des filles burundaises est difficile à Oman, elle est probablement pire en Arabie Saoudite où il n’y a même pas de possibilité de communication. Il arrive rarement que les filles (et les femmes) employées en Arabie Saoudite, elles le font via le téléphone de leurs patrons.

Francine Polyc

 

 

 

 

 

 

Le FOCODE s’est procuré des échantillons de visas accordés par l’Arabie Saoudite aux filles burundaises recrutées comme travailleuses domestiques. Ces visas limitent la liberté des travailleuses puisque ils les attachent à leur employeur. Mais fort curieusement, les noms des employeurs, leurs numéros de téléphone et leurs adresses restent cachés. Une raison de plus de se préoccuper de la situation des filles du Burundi puisque le Royaume saoudien semble plus préoccupé par le sort de ses trafiquants que celui des victimes qui seraient vendues sur son territoire. C’est notamment dans ce sens que le 26 juin 2016 les autorités saoudiennes ont averti leurs ressortissants qu’ils risquaient de se faire accuser de trafic humain s’ils continuaient à recruter des travailleurs domestiques au Burundi et en Tanzanie[9]

30. Face à cette opacité et en raison de différents rapports et articles sur les violations des droits des travailleuses domestiques en Arabie Saoudite, les autorités burundaises devraient recenser les cas des filles (et femmes) burundaises envoyées dans ce pays et enquêter sur leurs situations. Selon plusieurs rapports et des articles sur le travail domestique en Arabe Saoudite, les femmes de ménage y subissent plusieurs sortes d’abus « dont des mois ou des années de salaires non payés, des séquestrations, et des violences physiques et sexuelles. »[10]

J. Mention spéciale pour les media

31. Depuis l’alerte lancée par le FOCODE le 07 juin 2016, des media nationaux et internationaux ont commencé à traiter la question du trafic des filles dès le lendemain et ont provoqué la réaction des autorités burundaises sur ce crime. Le 08 juin 2016, les radios en ligne Humura (programme de la RPA) et Inzamba ont consacré une bonne place, dans leurs éditions de l’actualité, à l’alerte lancée par le FOCODE. Depuis, au moins deux fois par semaine, les deux radio traitent de la question du trafic des filles en Arabie et à Oman en donnant la parole aux organisations de la société civile, aux victimes ou aux familles des victimes qui cherchent les leurs. Le 09 juin 2016, la radio Isanganiro a consacré toutes les éditions de l’actualité à un point unique : le trafic des filles. Ainsi elle a été la première à faire parler les autorités burundaises sur ce trafic, des filles burundaises récemment rentrées d’Oman et des trafiquants.

32. A partir des éditions de ces radios, la population a ouvert les yeux sur le phénomène, les mensonges sont tombés et les autorités ont été obligées de s’expliquer. Le FOCODE a eu des témoignages de filles qui ont abandonné le voyage d’Oman ou d’Arabie Saoudite juste après avoir écouté les informations de ces radios. Dès le 11 juin 2016, des changements significatifs ont été observés à l’aéroport de Bujumbura. Après le 15 juin, les départs de filles vers Oman et Arabie Saoudite ont cessé. Une expérience qui aura encore une fois montré l’efficacité de la combinaison société civile et medias.

33. Le trafic des filles n’est pas pour autant abandonné et il reste encore le combat pour sauver celles déjà vendues dans les deux pays arabes. Le 13 juin 2016, un groupe de cinq trafiquants ont été arrêtés en Tanzanie avec 12 filles burundaises qu’ils comptaient vendre dans un pays asiatique[11]. Le FOCODE a reçu des informations sur un processus de recrutement de trente femmes actuellement en cours à Ngozi. De même, aux nombreuses filles recrutées dans les permanences du CNDD-FDD à Cankuzo, Karusi et Gitega, il n’a pas été signifié que le voyage était abandonné, elles attendent des départs en juillet et août. Il est important que les organisations de la société civile et les media engagés dans la lutte contre le trafic humain au Burundi soient davantage appuyés et renforcés par les différents partenaires.

 

[1] Loi contre la traite des personnes au Burundi: https://www.unodc.org/res/cld/document/loi-no–1-28-du-29-octobre-2014-portant-prevention-et-repression-de-la-traite-des-personnes-et-protection-des-victimes-de-la-traite_html/loi_burundaise_sur_la_traite_des_personnes.PDF

[2] https://twitter.com/nyamitwe/status/721413804832202753

[3] API : Agence pour la promotion des investissements

[4] OBR : Office Burundais des Recettes

[5] A Rushubi en commune Isare de la province de Bujumbura Rural, un jeune homme a réclamé jusqu’à la permanence nationale du parti CNDD-FDD pour empêcher le recrutement de sa fiancée au chômage depuis deux ans après des études pédagogiques.

[6] https://twitter.com/nyamitwe/status/721413804832202753

[7] http://www.thecitizen.co.tz/News/-/1840340/3246108/-/lbdqyg/-/index.html

[8] Les filles appellent « Manager » ou « Agent » les responsables des sociétés ou les individus qui les ont recrutée

[9] http://saudigazette.com.sa/saudi-arabia/ministry-warns-hiring-helps-tanzania-burundi/

[10]https://www.hrw.org/fr/news/2008/07/08/arabie-saoudite-les-travailleuses-domestiques-sont-confrontees-de-graves-abus

[11] Tanzania: Five arrested for suspected trafficking http://bbc.in/1WMqXXh


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *